Radio SDR

Mon grand-père m’a raconté un jour, quand j’étais enfant, que, dans les années 20, il écoutait la radio avec quelques tours de fils sur un barreau de chaise et une galène. Quand je me suis aperçu que ce n’était pas un baratin d’adulte (vous savez, ceux de la même liste que les carottes qui rendent aimable, la soupe qui fait grandir ou l’inévitable « moi à Noël j’avais une orange et j’étais heureux avec ça »), j’ai été définitivement accro. Ayant passé ma licence de radioamateur, j’ai vite souhaité réaliser mon matériel. Hélas, la complexité de ce type de construction, et la rareté de l’information (avant l’ère internet), ont remis ces projets au placard. Jusqu’au jour où j’ai appris que l’on pouvait réaliser des radio logicielles (SDR=Software Defined Radio).

Radio SDR, quézaquo ?

Le récepteur radioamateur

Dans un récepteur radioamateur classique, on a un circuit d’antenne accordé, un changement de fréquence, un amplificateur dit « de fréquence intermédiaire », dont la fréquence est fixe. C’est cette fréquence fixe qui implique précisément le changement de fréquence préalable, pour adapter la fréquence souhaitée à celle de cet amplificateur. Ce circuit doit, en outre, avoir un coefficient damplification variable.

Ensuite, il faut un démodulateur à mélangeur, avec un oscillateur local et, enfin, un amplificateur audio.

Quand je mentionnerai que l’amplificateur de fréquence intermédiaire doit avoir une « bande passante » très étroite, et que les fréquences générées dans l’appareil, pour le changement de fréquence ou la démodulation, doivent être extrêmement stables, on aura compris qu’une réalisation de ce type est très délicate. Et je n’ai pas parlé des fréquences images, ni des défauts induits par la non linéarité des mélangeurs ou de ceux créés par les harmoniques des oscillateurs locaux…

Le récepteur SDR

Dans un récepteur SDR, tout ce qui a été décrit ci-dessus n’existe quasiment plus : on démodule directement à la même fréquence que la fréquence souhaitée, et le signal audio obtenu est échantillonné par la carte son de l’ordinateur.

Si vous voulez ramener votre science face à vos amis, sachez que cette architecture de récepteur s’appelle « récepteur à amplification directe » par opposition à l’architecture « à changement de fréquence » ou « superhétérodyne » décrite ci-dessus. Chaque voie stéréo de la carte son est utilisée, et on peut ainsi écouter une portion d’onde égale à la fréquence d’échantillonnage de ladite carte (44khz, en règle générale). Mieux encore, on peut voir le signal, grâce à un affichage dit « chute d’eau ». Le lecteur perspicace pourra objecter que l’on utilise quand même un oscillateur, et que cet oscillateur peut présenter des problèmes de stabilité. Certes… mais en fait, ce type d’appareil rend possible l’utilisation d’un circuit intégré numérique, programmable, à haute stabilité (et d’un prix dérisoire…). On l’aura compris, les avantages de ce type d’architecture sont extraordinaires.

Pour résumer, dans ces architectures, l’électronique est réduite à sa plus simple expression, et peut se construire avec des composants numériques (pas de réglages compliqués, donc). Le traitement le plus complexe (démodulation, filtrage audio, etc.) se fait par un ordinateur. Je me devais d’essayer.

J’ai donc acheté un kit aux Etats-Unis pour évaluer la solution. En l’occurrence, le « SoftRock RX Ensemble III HF Receiver Kit », prix 68$ chez Fivedash.com. J’ai vite vu que cela fonctionnait parfaitement bien avec un ordinateur portable sous Windows, équipé des logiciels adaptés. Mais difficile d’intégrer un ordinateur dans un dispositif compact. Cependant, avec Raspberry, ce serait possible…

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Illustration 1 – Le kit de réception en cours de test

Radio Framboise

« Avec Raspberry, il serait possible de concevoir un récepteur SDR compact ». Serait possible, le conditionnel était de mise, car il me fallait tout tester : à priori, je ne savais absolument pas si cela allait fonctionner sur Linux, et encore moins sur le Raspberry, ordinateur génial, certes, mais modeste. J’ai retenu quelques logiciels Linux : Gqrx avec un dongle rtl-sdr, Linrad, quisk, twpsk.

Première phase : installer Linux sur mon pc.

Deuxième phase : voir si j’arrivais à installer les logiciels sur Linux, et à faire fonctionner les carte son. Ce dernier point était rédhibitoire, car, comme expliqué plus tôt, ce type de radio analyse le signal échantillonné par la carte son. Cette étape a été validée.

Troisième phase : tout réinstaller sur Raspberry. Comme ces logiciels ne sont pas disponibles « tout fait », il a fallu les compiler et les installer. Et là, surprise : ces logiciels ne sont pas autonomes, ils fonctionnent avec des bibliothèques issues d’autres logiciels, qu’il a fallu charger, compiler et installer à leur tour. Bref, il m’aura fallu plusieurs jours de travail et d’enquêtes minutieuses sur les forums internet. Internet… comment vivions nous avant ce truc ?

Enfin, la quatrième phase a consisté à évaluer le comportement des radio logicielles sur Raspberry.

Le programme Gqrx a été étudié pour utiliser un dongle RTL SDR. Il s’agit d’un petit récepteur numérique grand public sur port usb. Ce petit appareil est dédié aux vhf et uhf, pour la réception de la TV et de la radio FM ou dab.

Hélas, le Raspberry s’est avéré insuffisant pour cette application. Par conséquent, l’utilisation de ce dongle a été abandonnée pour ce projet. Le programme Linrad, quant à lui, est très difficile d’utilisation et peu ergonomique. Twpsk, étudié pour démoduler les signaux numériques type PSK31, n’a rien démodulé à ce jour. Seul Quisk m’a donné de bons résultats. Il était désormais possible de finaliser la réalisation. C’est là qu’intervient le FabLab.

Finalisation du projet

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llustration 2 – Maquette pour évaluer le châssis

La radio devait comporter en face avant un grand nombre de perçages pour les prises de l’ordinateur embarqué (USB, Ethernet, vidéo HDMI). J’avais également prévu une fiche pour l’antenne, des jacks d’alimentation annexes, des prises de liaison série. Je me devais également de reporter en face avant les boutons de réglage de l’écran. Tous ces perçages devaient être parfaitement évalués : je n’avais aucune envie de tout recommencer suite à une erreur.

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Illustration 3 – Le châssis définitif équipé

La maquette en carton a permis de tester la validité de l’encombrement des différentes pièces. Cette étape franchie, j’ai pu découper le châssis définitif en bois, grâce à la découpe laser du FabLab. Tout a été recouvert de papier aluminium collé au scotch double face, afin d’obtenir un blindage électromagnétique.

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Illustration 4 – Vue arrière du châssis

La vue arrière permet d’observer l’arrangement des différents éléments. Cela me fait penser à un croisement improbable entre une radio à tubes des années 50 et une épave de satellite russe.

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Illustration 5 – Réception d’une station de radiodiffusion russe

Et enfin, voici le résultat : réception d’une station de radiodiffusion (c’est la ligne jaune à droite de l’écran). L’autre ligne jaune, près du centre, est un autre émetteur. La ligne noire verticale au milieu de l’écran est liée à une « zone de silence » de la carte son. C’est une caractéristique, peu gênante au demeurant, de ce type de récepteur.